Traduit par Р-аХ-С
Le film de Katerina Gordeïeva « l’Homme et la guerre » m’a aidée à sortir de la torpeur après le début de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. C’est un film qui prend son temps et qui parle de la catastrophe, et dans lequel est reconstituée pas à pas la manière dont la guerre est venue frapper à la porte des gens et les conséquences qu’elle a entraînées. Le récit se construit au fil des témoignages.
1. « Je ne peux pas expliquer ce qu’on ressent, bébé dans les bras, devant des armoires à glace mitraillettes au poing qui… une pression sur la gâchette et c'était fini... Ils sont venus dans la cour et ils ont proclamé, bêtement :
— Recensement !
— Comment ça « recensement », pourquoi ?
— Tu fermes ta bouche et tu restes silencieuse. Sors tes papiers et c'est tout !
Vu. Ensuite les échanges ont été totalement différents, et pas très bons. Une chose m’a fait sortir de mes gonds, et j’ai dit à mes risques et périls :
— Et après ça, vous voulez que les gens ici vous acceptent ? Tu comptes dormir une mitraillette à la main ?»
Julia, Marioupol – Taganrog, Russie (Centre d’hébergement temporaire pour réfugiés). Va dire à Gordeïeva « l’Homme et la guerre ».
2. « On se cachait dans la salle de bain sous deux couvertures chaudes. On dormait sans enlever nos chaussures, tout habillés au cas où on aurait à sortir en vitesse de la maison. Katia avait très peur. Maintenant, elle a même peur d'être seule dans une pièce. Si je vais dans une autre pièce, elle me suit.
C’était moi qui sortais. On a un magasin à proximité. Je retenais mon mari à la maison parce que j'avais peur qu'il soit enrôlé dans l'armée. Moi, je ne veux pas ça. Personnellement, je ne le voulais pas. Non pas que… mon mari soit un lâche. Je veux juste que mon enfant ait une vraie famille. Il n’a jamais servi dans l’armée, il n’a jamais fait la guerre. Il n'a pas d'expérience dans le combat. C'est pour ça que je lui ai dit « pour l’instant, reste à la maison ». »
Aleksandra Leonova Kharkiv - Łódź, Pologne. Va dire à Gordeïeva « l’Homme et la guerre ».
3. « Ils venaient à l’usine pour les hommes, c’est qu’ils en ont bien besoin. Ils ont donc enrôlé ces hommes. Ils les ont enlevés à leur mère, à leur femme, hein. Ils ne leur en ont pas laissé un cheveu. Et une mère a ramené [son fils] dans un cercueil. Il a été tué. Ce n'est pas une guerre, c'est une désolation. Une saloperie. »