mes adresses sont ainsi en mkhedruli*, en devanagari,
car dans mes contrées des bêtes retorses règnent aujourd’hui :
ceux qui savent leurs noms attendent la prison, ceux qui les ignorent sont en rangs
on ne peut les regarder dans les yeux, dit-on – qui plus est en souriant
leurs camions apportent la ruine, le deuil, le chagrin,
un seul carburant pour qu’ils roulent: du sang humain.
ceux qui le voient me téléphonent en criant : « comment se fait-il… ? »
et je deviens plus amère que les cendres,
plus blanche que l’argile
le décès vient après l’ignorance, en traître
moi-même, je n’ai plus de chemin de retraite
tout ce que j’ai chanté, révisé et appris
est balayé par les obus, pilonné par l’artillerie
« regarde – on me dit – le printemps ». mais dans la fumée, les fleurs ont sombré.
dans la foule, on reconnaît ceux qui voient : leurs cheveux sont gris comme la craie.
parfois, sur les boulevards du sud, aveuglants de couleurs
on se croise, et on ne peut s’embrasser sans pleurs